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Quatrième et dernier commentaire d’une série consacrée au ratio combiné

Comme toute autre entreprise, un assureur ne peut être rentable que dans la mesure où ses revenus sont supérieurs à ses coûts. Cette équation relativement simple devient toutefois plus compliquée lorsque l'on tient compte des nuances associées au secteur de l'assurance. Contrairement à la plupart des entreprises qui peuvent simplement augmenter leurs prix pour compenser des coûts plus élevés, les assureurs doivent suivre un ensemble de contraintes strictes qui déterminent non seulement le montant des primes, mais aussi le moment où elles peuvent être augmentées et quand ces augmentations entreront en vigueur. Par conséquent, même lorsqu'ils ont la possibilité d'augmenter les primes, les assureurs peuvent encore avoir à couvrir des sinistres avec des primes plus anciennes et moins élevées.

De même, les dépenses liées aux sinistres, qui représentent une part importante des ratios combinés, sont affectées par divers facteurs sur lesquels les assureurs n'ont pas de contrôle. Par exemple, la technologie avancée des voitures d'aujourd'hui augmente considérablement le coût des réparations. L'inflation et les problèmes de chaîne d'approvisionnement peuvent faire grimper les prix pour rénover une maison ou un appartement après un sinistre. Enfin, les incidents climatiques deviennent de plus en plus fréquents et leurs impacts sont de plus en plus graves.

Pour améliorer les ratios combinés, les assureurs peuvent prendre des mesures autres que l'augmentation des primes. Une de ces stratégies est de lutter contre les sinistres frauduleux. Bien que cela puisse sembler simple en théorie, c'est beaucoup plus complexe en pratique. Des organisations comme France Assureurs (FFA) en France, l’Insurance Fraud Bureau (IFB) au Royaume-Uni, et le National Insurance Crime Bureau (NICB) ainsi que la Coalition Against Insurance Fraud aux États-Unis estiment que jusqu'à 10 % des demandes d'indemnisation présentent des éléments de fraude, représentant ainsi des milliards d’euros et de dollars de pertes annuelles. Ces pertes liées à la fraude aggravent considérablement le problème du ratio combiné. Selon les recherches de Shift, jusqu’à 2 à 3 % du ratio combiné d’un assureur peuvent provenir de sinistres frauduleux. Cela s’explique par le fait que les sinistres suspects, mélangés aux sinistres légitimes et traités par différents gestionnaires, peuvent être extrêmement difficiles à détecter.

De plus, la fraude est compliquée non seulement par son volume, mais aussi par l’évolution constante des méthodes utilisées par les fraudeurs. Ces derniers adoptent de nouvelles technologies, inventent des stratagèmes innovants et recrutent des complices pour contourner les systèmes de détection. Ainsi, bien que la fraude puisse sembler être un coût inévitable, la réalité est bien différente.

Se prémunir contre la double peine

L'assurance est un secteur complexe, régi par de nombreuses réglementations. Les fraudeurs exploitent ces subtilités pour mettre en place des stratagèmes et tirer parti des failles du système. Par exemple, dans plusieurs juridictions, une fois une police souscrite, les sinistres couverts par cette police doivent être indemnisés même si la prime n'a pas encore été payée. De plus, les assureurs peuvent être obligés d’indemniser un souscripteur même si sa police est finalement annulée. Il n'est donc pas surprenant que les fraudeurs exploitent ces failles, en particulier sur le marché de l'assurance automobile.

L'escroquerie commence lorsqu'un fraudeur souscrit une police d'assurance en utilisant un numéro d'identification de véhicule provenant de la photo d’un véhicule en vente en ligne, et paie la prime avec un moyen de paiement illégal, souvent une carte de crédit volée. Peu après, une demande d'indemnisation est déposée par le faux souscripteur avec de fausses preuves, telles que des photos et des documents falsifiés. Ce cas est particulièrement problématique pour l'assureur, car il est confronté à une fraude à la fois lors de la souscription et de l'indemnisation, ce qui le rend doublement exposé. L'assureur subit non seulement une perte sur la prime, mais il peut aussi être contraint de payer pour un sinistre frauduleux.

Ce double préjudice causé par le fraudeur peut avoir un impact considérable sur le ratio combiné. Ce scénario illustre parfaitement pourquoi il est crucial de détecter les risques de fraude potentielle dès la souscription. Toutefois, l'intelligence artificielle s'avère une défense efficace pour les assureurs en matière de détection de fraude aux sinistres. En effet, si l'assureur parvient à identifier une demande d’indemnisation suspecte et à éviter de la payer, il ne perd que la prime impayée, plutôt que de devoir financer une réparation frauduleuse au titre de la police.

Éviter les pièges de l’automatisation

La réduction des coûts opérationnels a longtemps été un levier clé pour les assureurs cherchant à améliorer leur ratio combiné. Avec l'essor de l'automatisation, le secteur a visé une nouvelle efficacité dans la gestion des sinistres, en adoptant des solutions telles que le FNOL (First Notice Of Loss) en ligne et mobile, en fixant des seuils parfois étonnamment hauts pour les sinistres ne nécessitant pas d'intervention humaine, et en cherchant à traiter les sinistres de manière directe. Bien que ces mesures aient permis de réduire les coûts, elles ont également entraîné une augmentation des cas de fraude.

Les raisons de cette tendance sont multiples. D'une part, il est plus facile pour un assuré de mentir lorsqu'aucun professionnel de l'assurance n'intervient dans le processus. Les demandeurs sont moins hésitants à exagérer les montants ou à fournir des documents falsifiés lorsqu'ils ne sont pas confrontés à un interlocuteur humain. D'autre part, les réseaux de fraude organisés savent rapidement identifier les seuils à partir desquels les demandes sont automatisées. Une fois ces seuils connus, ils exploitent cette opportunité en soumettant des demandes qu'ils savent ne pas être examinées et donc pas identifiées comme suspectes. En conséquence, les gains d'efficacité réalisés grâce à l'automatisation sont souvent annulés par les pertes dues à la fraude.

Heureusement, la détection de la fraude par intelligence artificielle (IA) offre une solution efficace pour atténuer ces risques. En analysant les sinistres destinés à l'automatisation, l'IA peut détecter des irrégularités telles que des photos ou des documents falsifiés ou réutilisés, signalant ainsi des sinistres potentiellement frauduleux. Ces demandes sont alors exclues du processus automatisé pour faire l'objet d'une enquête plus approfondie. Intégrer la détection avancée de fraude dans la stratégie d'automatisation des sinistres est un moyen efficace de préserver et d'améliorer le ratio combiné tout en maximisant les bénéfices de l'efficacité opérationnelle, en évitant les paiements pour des sinistres frauduleux.

La fraude des prestataires et l'impact des dommages corporels

Même les accidents légitimes peuvent donner lieu à des demandes d'indemnisation frauduleuses, surtout lorsqu'il s'agit de dommages corporels. Le paiement de sinistres corporels frauduleux peut avoir un impact dévastateur sur les ratios combinés. Selon la juridiction, les dommages corporels peuvent considérablement augmenter la valeur d'un sinistre, parfois jusqu'à 15 000 euros, voire plus en fonction des garanties souscrites. Certains fraudeurs exploitent cette situation en mettant en place des réseaux de prestataires – avocats, médecins, services médicaux, etc. – qui soumettent des factures médicales exagérées ou totalement fausses en lien avec un accident. Ce qui complique la détection de ces demandes frauduleuses, c'est qu'elles sont souvent associées à des demandes légitimes pour des accidents de voiture ou des chutes.

L'intelligence artificielle (IA) facilite la détection de ces réseaux de prestataires et leur impact sur le portefeuille d'un assureur. Les connexions qui peuvent échapper à un gestionnaire de sinistres isolé deviennent claires lorsqu'un logiciel de pointe analyse des centaines de milliers de sinistres. De plus, l'IA permet d'identifier rapidement les sinistres pour lesquels les frais médicaux ne correspondent pas aux normes du secteur, aidant ainsi à repérer les anomalies et les fraudes potentielles.

Conclusion

Avec jusqu'à 10 % des sinistres comportant un élément de fraude, l'impact de celle-ci sur les ratios combinés est indéniable. Heureusement, ce qui était autrefois considéré comme un « coût d'exploitation » est désormais un phénomène que les assureurs peuvent combattre de manière proactive. Les nouvelles technologies permettent aux assureurs de comprendre la nature d'une demande d'indemnisation en quelques secondes, et de décider rapidement et efficacement de la marche à suivre, que ce soit pour un paiement, un examen ou une enquête. Étant donné qu'une détection efficace des fraudes peut réduire le ratio combiné de 2 à 3 points, il est logique d'exploiter ces avancées technologiques pour améliorer les résultats.